CritiqueNous, l’Europe, banquet des peuples, Roland Auzet #FDA19 Juil 12, 2019 1 182. AdaptĂ© du roman de Laurent GaudĂ©, Nous, l’Europe, banquet des peuples, mis en scĂšne par Roland Auzet, Festival Avignon 19 Théùtre ♄♄♄♄♥ Critique Le PrĂ©sent qui dĂ©borde, Christiane Jatahy #FDA19 Juil 12, 2019 923. Le PrĂ©sent qui dĂ©borde - Notre OdyssĂ©e II de Christiane Jatahy

Difficile d’ĂȘtre optimiste en ces temps sombres. Nul besoin d’en Ă©grener les raisons, chacun sait. MĂȘme le ciel annonce la couleur grise. Avec les pluies destructrices de ces derniers jours, on se demanderait presque s’il n’est pas en train de nous tomber sur la tĂȘte, comme le craignait un certain village d’irrĂ©ductibles un livre me tombe entre les mains, par un hasard gracieux. Une pĂ©pite littĂ©raire qui insuffle espoir, envie et colĂšre - la bonne colĂšre !Il s’agit de Nous l’Europe - banquet des peuples, de Laurent GaudĂ©, paru en 2019. Nous, l'Europe - Banquet des peuples Comprendre ce qu’est l’EuropeOn ne peut pas dire que la forme poĂ©tique ait le vent en poupe, de nos jours. C’est pourtant celle que l’auteur a choisie pour relater l’aventure europĂ©enne, reliant ainsi son rĂ©cit Ă  la tradition homĂ©rique. Vent frais, joues rougies, menton constat de dĂ©part est le suivant Depuis quelque temps, l’Europe semble avoir oubliĂ© qu’elle est la fille de l’épopĂ©e et de l’utopie. Elle s’assĂšche de ne pas parvenir Ă  le rappeler Ă  ses citoyens. Trop lointaine, dĂ©sincarnĂ©e, elle ne suscite souvent qu’un ennui dĂ©sabusĂ©. » Comment faire alors pour que surgisse Ă  nouveau la passion europĂ©enne ? DĂ©jĂ , nous n’entendons plus le cri nĂ© sur les charniers de la Seconde Guerre mondiale Plus jamais ça ! » Vingt-sept nations dĂ©cidant de faire un grand banquet des peuples » ! Et si c’était grĂące Ă  cette alliance que nous pouvions rĂ©soudre les crises majeures de notre temps ? Comprenons d’abord comment nous sommes nĂ©s
Que de rĂ©volutions au XIXe siĂšcle ! La locomotive, l’électricitĂ©, l’industrialisation de la sociĂ©tĂ©, la naissance du prolĂ©tariat
 C’est sur l’exploitation du charbon, nous dit l’écrivain, que l’Europe pousse ses racines. Toujours plus vite, plus fort ! Être les premiers, les meilleurs ! Partout, des voix s’élĂšvent pour conspuer l’idĂ©ologie de la domination et de la compĂ©titivitĂ© Victor Hugo, Karl Marx, Engels, Proudhon, Blanqui, Garibaldi
 Elle existe, L’Europe des fuites en pleine nuit,/ L’Europe des communistes,/ Des anarchistes,/ Des penseurs sulfureux ». Car en Irlande, en Angleterre, en France, en Italie, L’Europe gronde/ Parce qu’elle a faim/ Et sent bien que ce qui est nĂ© en ce siĂšcle/ Ne se nourrit que d’une chose/ La force de travail de ceux qui n’ont rien. » Ces voix n’y feront rien. Toujours plus vite, plus fort ! Être les premiers, les meilleurs ! Au dĂ©triment, toujours, des populations dĂ©favorisĂ©es. Et voici venir les carnages de la colonisation et des terres pillĂ©es, la Grande Guerre puis la Seconde, raffinement de l’horreur. L’Europe ? À sec, en cendres, dĂ©sespĂ©rĂ©e. Mais de nouvelles voix s’élĂšvent Plus jamais ça ! ». C’est dans cette optique qu’est fondĂ©e la CommunautĂ© EuropĂ©enne du Charbon et de l’Acier en face Ă  la peur de l’étrangerIl semblerait que, dĂ©jĂ , nous ayons oubliĂ©. Aujourd’hui les États, doucement mais sĂ»rement, se replient Ă  l’intĂ©rieur de barbelĂ©s nationalistes. Le 23 juin 2016, les Britanniques enclenchent le mouvement c’est le Brexit. Quant aux mots Plus jamais ça », ils ressemblent Ă  ceux de notre devise française leur sĂšve depuis longtemps les a quittĂ©s. On les prononce par habitude, sans plus savoir ce qu’ils veulent dire. En pratique chacun sa merde et chacun chez soi !La tragĂ©die des en MĂ©diterranĂ©e ne nous empĂȘche guĂšre de dormir. L’Europe semble bien impuissante Ă  gĂ©rer la situation. Le Pacte sur la migration et l’asile, prĂ©sentĂ© le 23 septembre 2020 par la Commission europĂ©enne, ne va pas assez loin pour les ONG tandis qu’elle indigne dĂ©jĂ  les partis d’extrĂȘme droite aux quatre coins de l’UE[1].Regardons dans l’Hexagone nous avons tant d’autres crises Ă  gĂ©rer
 Et elles sont lĂ©gitimes ! Et elles sont nombreuses ! Nul besoin d’en Ă©grener les termes, chacun sait. Et tandis que le sĂ©paratisme congestionne le dĂ©bat public, survient l’attentat de Conflans. Confusions, amalgames. RĂ©activation de la haine et de la peur, de tous nation qui a peur est une nation docile. C’est bien connu. C’est ainsi, aprĂšs tout, que nous soumettons les enfants. Vous souvenez-vous du pĂšre Fouettard ?Le terrorisme est une calamitĂ©. Son aspect spectaculaire et la peur qu’il gĂ©nĂšre empĂȘchent sa gestion de maniĂšre rationnelle. C’est sa force. L’effroi nous empĂȘche de penser[2]. InstrumentalisĂ©e, la peur opĂšre comme un Ă©cran de fumĂ©e masquant un mal non moins dĂ©lĂ©tĂšre, plus ramifiĂ©, auxquels nous sommes habituĂ©s l’exploitation des pauvres par les classes dominantes. Une plaie qui alimente la misĂšre Ă©conomique d’oĂč naissent, inĂ©vitablement, les violences sociales. Mais l’origine est plus insidieuse et les effets moins spectaculaires. Voici une question qui me ronge pourquoi cibler toujours l’ Ă©tranger » le musulman, le rĂ©fugiĂ©, l’arabe, car pris par la peur, nous les confondons parfois tous
 et si peu l’escroc en cravate qui s’engraisse de l’exploitation des plus pauvres ? Ils sont Ă©lus, occupent les plus nobles fonctions et malgrĂ© les mises en examen, les accusations de viol et les fraudes, ils continuent de nous diriger ?La tragĂ©die des en MĂ©diterranĂ©e ne nous empĂȘche guĂšre de dormir car nous n’accordons pas Ă  ces populations un statut similaire au nĂŽtre. Ils ne sont pas de notre culture. Ils sont diffĂ©rents. Nous sommes indiffĂ©rents. Le processus de dĂ©shumanisation est Ă  l’Ɠuvre. Le radeau de la mĂ©duse selon Banksy Quand est-ce que cela commence ?/ Lorsque les mots deviennent plus durs ?/ Lorsqu’on commence Ă  parler de gangrĂšne »,/ De vermine »,/ De parasites »/ Et de nettoyage » ?/ Avec l’eugĂ©nisme ?/ Les stĂ©rilisations forcĂ©es ?/ La race doit ĂȘtre pure/ Et la main dĂ©jĂ  s’entraĂźne Ă  tuer. » C’est de l’Allemagne des annĂ©es 1930 dont Laurent GaudĂ© nous parle dans ces vers. Pas de l’Europe du XXIe siĂšcle ! Et pourtant, quelles rĂ©sonnances avec aujourd’hui
L’Europe ? Nous n’y croyons plus. Nous nous replions sur nous-mĂȘmes. Il est devenu dur de se projeter. Tellement de choses Ă  penser. Nuques courbĂ©es par le manque d’espoir. Comme s’il n’y avait rien Ă  faire. Comme si le capitalisme, l’oppression et la guerre Ă©taient les fondements inĂ©luctables de nos vies terrorisĂ©es. Le coronavirus, en ce sens, n’a rien arrangĂ©. Il faut ĂȘtre rĂ©aliste », entend-on souvent. Mais qu’est-ce que cela veut dire, ĂȘtre rĂ©aliste ? Ne plus rĂȘver Ă  mieux ? Ne plus ĂȘtre en colĂšre, ne plus se soulever ?Le livre de GaudĂ© rĂ©veille. Il raconte bien comment l’hyper-compĂ©titivitĂ© et le capitalisme nĂ©o-libĂ©ral essorent les hommes, les femmes et la terre. Si nous ne faisons rien, ce sera, inĂ©vitablement, la fin des ressources, l’explosion des inĂ©galitĂ©s, la guerre. Et l’on veut nous faire croire que le flĂ©au c’est l’étranger » ?Une Europe des LumiĂšres est-elle encore possible ?Macron et ses marcheurs sont pro-europĂ©ens. Mais de quelle Europe parlons-nous ? Un territoire de cinq cents millions d’habitants,/ Qui a dĂ©cidĂ© d’abolir la peine de mort,/ De dĂ©fendre les libertĂ©s individuelles,/ De proclamer le droit d’aimer qui nous voulons,/ Libre de croire ou de ne pas croire./ Nous sommes humanistes et cela doit s’entendre dans nos choix. » C’est cela. Je suis prof. Je suis française et europĂ©enne. C’est l’idĂ©al que je m’applique Ă  a en elle la puissance de porter un projet d’avenir pĂ©renne, Ă©cologique, soutenu par une Ă©conomie mesurĂ©e. Elle n’aura de sens que si elle prend soin de/ ceux qui s’usent. » Exit l’idĂ©ologie de la domination ! Et pourtant, qu’a-t-on entendu rĂ©cemment ? L’UE, Ă  la traĂźne en matiĂšre de technologies numĂ©riques, doit affirmer son leadership sur le marchĂ© de la 
 6G [3] ! Toujours plus vite ! Plus fort ! Soyons les meilleurs ! Les premiers ! Elle a la vie dure, cette ritournelle
 Ils sont dĂ©jĂ  en retard, ceux qui rĂąlent contre la 5G !Mediapart nous annonçait le 12 octobre qu’une majoritĂ© d’eurodĂ©putĂ©s rĂ©clamait une taxe sur les transactions financiĂšres Ă  partir de 2024 afin de financer la relance et des mesures du Green Deal. Bonne nouvelle ? Ce le serait, si Bercy n’y opposait pas[4] !Les LumiĂšres, ce ne sont pas les innovations » technologiques Ă  tout prix ! Et le prix s’annonce corsĂ©. Les LumiĂšres sont aux antipodes de l’idĂ©ologie de la concurrence et de la domination. Nous avons toute une littĂ©rature Ă  mĂȘme de le prouver, pour qui souhaiterait se rĂ©clamer de Diderot ou Montesquieu
 Pendant ce temps, les migrants meurent par milliers en MĂ©diterranĂ©e, et nous n’en voulons pas. Pourquoi sommes-nous si peureux ?/ Nous sommes cinq cent millions d’EuropĂ©ens,/ Et jamais ce nombre ne semble nous confĂ©rer de force ?/ Sommes-nous si fragiles ?/ Pour nous rassurer, nous n’avons qu’à plonger notre regard dans celui des rĂ©fugiĂ©s./ L’Europe dans leurs yeux est une terre puissante/ Qui protĂšge,/ Et offre la promesse d’une vie choisie. »Nous avons besoin d’ĂȘtre humanistes. Craindre l’autre alimente la montĂ©e des fascismes et de la tyrannie. De lĂ  surgit la vraie barbarie. L’histoire de l’Europe nous l’a amplement prĂ©fĂšre alors Ă©couter la voix de Laurent GaudĂ©. Il faut Ă  l’Europe l’élan des peuples » pour se tenir droite et digne. C’est de l’utopie » entendra-t-on dire. Mais pourquoi l’utopie a-t-elle si mauvaise presse ? Pourquoi ĂȘtre dĂ©sespĂ©rĂ© ?Les voix qui luttaient hier, Hugo, Garibaldi, se font toujours entendre aujourd’hui. Des journalistes indĂ©pendants, des Ă©cologistes, des agriculteurs, des jeunes, des artistes, des humanitaires, bien d’autres encore, tous Ă  leur façon rĂ©volutionnaires, luttent pour un monde meilleur, partout en Europe et au-delĂ  des frontiĂšres[5]. Un monde meilleur
Et soudain je me rends compte que l’auteur de Nous l’Europe, banquet des peuples, vient de faire une chose incroyable me mettre en colĂšre, me passionner. Rouvrir mon horizon. Il faut le lire. Que l’ardeur revienne./ Que l’Europe s’anime,/ Change,/ Et soit,/ À nouveau,/ Pour le monde entier,/ Le visage lumineux/ De l’audace,/ De l’esprit,/ Et de la libertĂ©. »N’est-ce pas cela, la vĂ©ritable essence des LumiĂšres ? Pour qu’un jour, – rĂȘvons encore! - nous puissions nous asseoir Ă  ce banquet des peuples, sous un ciel Ă©toilĂ©, comme aimait Ă  le faire un certain village d’irrĂ©ductibles Gaulois.[1] On peut lire, Ă  ce sujet, l’article de Denise Jodelet, Dynamiques sociales et formes de la peur », sur les mĂ©canismes de la peur et son instrumentalisation dans le discours mĂ©diatique et politique Voir et Je pense par exemple au navire de Banksy, le Louise Michel, dirigĂ© par la capitaine allemande Pia Klemp, parti en aoĂ»t dernier des cĂŽtes espagnoles afin d’aller secourir les migrants en MĂ©diterranĂ©e.

Lechoeur d’amateurs de « Nous, l’Europe, banquet des peuples ». CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE. Comme Christiane Jatahy, Laurent GaudĂ© et Roland Auzet triomphent en ce dĂ©but du Festival d
RĂ©sumĂ©s Dans la saga ouvriĂšre et socialiste, puis plus tard communiste, la Commune de Paris tient, Ă  juste titre, une place de choix. Or, son histoire hĂ©roĂŻque et tragique se trouve quasiment Ă  mi-chemin entre deux moments importants du mouvement d’expansion coloniale, la conquĂȘte de l’AlgĂ©rie 1830 et l’achĂšvement de cette expansion Maroc, 1912. Les Communards n’eurent Ă©videmment ni le temps ni sans doute la capacitĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă  la question coloniale. Ils y ont pourtant Ă©tĂ© confrontĂ©s Ă  diverses occasions d’abord par la prĂ©sence, certes minoritaire, de colonisĂ©s sur le pavĂ© parisien en 1871 ; puis, plus tard, lorsque ces damnĂ©s de la terre » en exil croisĂšrent le destin d’autres victimes, les Kanak orthographe d’époque Canaques. Il y eut d’ailleurs, durant cet exil, un Ă©pisode tragique la rĂ©volte des colonisĂ©s de 1878. Bien des Communards ne comprirent aucunement les raisons – et encore moins les formes – de cette rĂ©volte. Certains, hĂ©las, participĂšrent mĂȘme Ă  la rĂ©pression. La grande figure internationaliste de Louise Michel, qui partagea un temps la vie des Kanak et soutint leur lutte, n’en est que plus remarquable. The Paris Commune holds a special place in the history of the labor and socialist movement, and later in the communist movement. Its heroic and tragic fate falls almost halfway between two major steps in the French colonial expansion, namely the conquest of Algeria 1830 and the completion of said expansion Morocco 1912. Obviously, the Communards had neither the time nor the opportunity to address the colonial question. They were, however, confronted with it on various occasions first by the small but notable presence of colonized people on the Parisian streets in 1871; then, later, when the exiled wretched of the earth » crossed paths with other victims of the French state, the Kanak spelled Canaques at the time. The 1878 uprising of the colonized happened during their exile. Many of the Communards did not understand the reasons – and certainly not the forms – of the uprising. Some, unfortunately, even took part in the crackdown against it. The great internationalist figure of Louise Michel, who lived among the Kanaks for a time and supported their struggle, is all the more remarkableHaut de page EntrĂ©es d’index Haut de page Texte intĂ©gral 1Le mouvement communard a croisĂ© l’histoire de la France coloniale en trois occasions, assez diffĂ©rentes. La premiĂšre, dans le cours mĂȘme des Ă©vĂ©nements, fut la prĂ©sence de rares colonisĂ©s dans Paris intra muros Ă  ce moment, soit insurgĂ©s eux-mĂȘmes, soit simples passants devenus de fait prisonniers des Ă©vĂ©nements. Le second lien, plus sĂ©mantique que politique et historique, a Ă©tĂ© la proclamation d’une Commune d’Alger, constituĂ©e par les Français rĂ©publicains de cette ville. Enfin, en Kanaky, que les Français avaient rebaptisĂ©e Nouvelle-CalĂ©donie, les dĂ©portĂ©s communards connurent une cohabitation avec les populations locales qui n’eut rien d’idyllique. Des colonisĂ©s communards 1 Henri Alleg, Le torrent souterrain », dans Henri Alleg dir., La Guerre d’AlgĂ©rie, vol. I, Paris ... 2La Commune fut un mouvement internationaliste, regroupant dans ses rangs – et Ă©lisant – des Polonais Dombrowicz, des Italiens Amilcar Cipriani, Menotti Garibaldi, fils du grand rĂ©volutionnaire, des Hongrois LĂ©o Frankel, dont certains sont passĂ©s Ă  la postĂ©ritĂ©. Elle compta Ă©galement, c’est moins connu, 5 AlgĂ©riens et 20 Africains, dont l’histoire n’a pas retenu les noms, Ă  une exception prĂšs1. 2 Marcel Cerf, Maxime Lisbonne, le D’Artagnan de la Commune, Paris, Le Pavillon, 1967. Voir Ă©galement ... 3Sauf erreur ou omission, un colonisĂ© au moins a Ă©chappĂ© Ă  un total anonymat. Il s’appelait Mohammed Ben Ali, un tirailleur algĂ©rien devenu l’ordonnance de Maxime Lisbonne, souvent appelĂ© le D’Artagnan de la Commune2 ». Jules VallĂšs, dans son rĂ©cit L’InsurgĂ©, Ă©voque sa triste fin 3 Jacques Vingtras. L’InsurgĂ©. 1871, Paris, G. Charpentier & Cie, 1886. Nous nous Ă©tendons chacun sur une vareuse, avec une giberne pour oreiller, pas bien loin d’un lit oĂč est allongĂ©, hideux dans son costume bleu de ciel, un turco, l’ordonnance de Lisbonne, qui hier a Ă©tĂ© mis en capilotade par un obus, et dont le crĂąne dĂ©foncĂ© a l’air d’avoir Ă©tĂ© rongĂ© par les rats. »3 4 Maxime Vuillaume, La proclamation de la Commune » brochure non signĂ©e, dans Hommes et Choses du ... 5 Auguste Raffet, Paris sous la Commune, 1885, Reprint Paris, Éditions Dittmar, 2002. 6 Le troisiĂšme bataillon est celui des Turcos, dont le commandant Wolff sera tuĂ© au combat, sans qu ... 4Dans divers tĂ©moignages, il est plusieurs fois question d’un bataillon de Turcos ». Ces tirailleurs algĂ©riens Ă©taient connus et mĂȘme fort apprĂ©ciĂ©s des Parisiens depuis la guerre de CrimĂ©e 1853-1856 et l’implantation en France qui s’ensuivit. Au dĂ©tour d’une phrase, par exemple sous la plume de Maxime Vuillaume, on apprend qu’un certain bataillon Enfants du PĂšre Duchesne » Ă©tait en garnison Ă  cĂŽtĂ© des Turcos de la Commune ». Plus tard, place de l’HĂŽtel-de-Ville, le mĂȘme a vu dans la foule un Turco nĂšgre hilare4 ». Dans les dessins d’Auguste Raffet reprĂ©sentant des uniformes de la Commune, on voit des vestes de Turcos5. Tout cela est bien maigre, et il semble que les recherches des historiens spĂ©cialisĂ©s n’aient pas abouti Ă  d’autres tĂ©moignages6. 7 Le Soir, 13 fĂ©vrier 1872 ; repris dans Contes du lundi, Paris, Lemerre, 1873. 8 Jean-Pierre PĂ©cau, BenoĂźt Dellac et Thorn, L’Homme de l’annĂ©e, 1871. L’un des hĂ©ros de la Commune d ... 5Par contre, ces Turcos passĂšrent Ă  la postĂ©ritĂ© grĂące Ă  la plume d’Alphonse Daudet. On sait combien les grands Ă©crivains de l’époque furent haineux envers la Commune, et Daudet participa Ă  la curĂ©e. Il fut pourtant auteur d’une nouvelle sensible, Le Turco de la Commune, qui contait la triste aventure de Kadour, de la tribu du Djendel », engagĂ© dans l’armĂ©e impĂ©riale en 1870, qui ne comprit rien aux Ă©vĂ©nements il ne parlait pas français. Lorsque son bataillon fut en dĂ©route devant les Prussiens, il erra quelque temps, avant de se retrouver par hasard dans les rues de Paris, enrĂŽlĂ© sans rien comprendre du cĂŽtĂ© des Communards, et finit par ĂȘtre fusillĂ© par les Versaillais7. Certains auteurs affirment que Daudet s’est inspirĂ© d’un personnage rĂ©el, qui n’avait rien d’un AlgĂ©rien, un certain Abdullah, en fait un Abyssin, fils adoptif d’Antoine D’Abbadie, grand voyageur, gĂ©ographe, membre de l’Institut. Devenu adulte, Abdullah se serait effectivement engagĂ© dans les Turcos, puis ralliĂ© – mais lui, en connaissance de cause – Ă  la Commune et aurait finalement Ă©tĂ© abattu par les Versaillais8. 6On peut imaginer que, s’il restait des indigĂšnes » dans les rangs des Communards en mai, ils furent l’objet d’une haine plus farouche encore de la part des Versaillais et qu’ils furent fusillĂ©s. Une Commune d’Alger
 pour les seuls EuropĂ©ens9 9 Claude Martin, La Commune d’Alger 1870-1871, Paris, HeraklĂšs, 1936 ; Marcel Émerit, La question ... 10 CitĂ© par Charles-Robert Ageron, Les AlgĂ©riens musulmans et la France 1871-1919, vol. I, Paris, Pu ... 11 Journal des dĂ©bats, 7 septembre 1870. 7La chute du Second Empire fut saluĂ©e avec enthousiasme en AlgĂ©rie par la majoritĂ© des EuropĂ©ens, trĂšs majoritairement rĂ©publicains. Mais rĂ©publicain », dans cette terre coloniale, avait un sens diffĂ©rent de celui de la mĂ©tropole. Pour eux, la politique dite du royaume arabe » de NapolĂ©on III et de ses soutiens, les officiers, Ă©tait une folie indigĂ©nophile Depuis quelques annĂ©es, on ne parle que des droits sacrĂ©s des indigĂšnes ; ne serait-il pas opportun d’invoquer ceux non moins sacrĂ©s des colons ? », avait dĂ©clarĂ© leur porte-parole, EugĂšne Warnier 186310. DĂšs le 4 septembre 1870, une Association rĂ©publicaine prĂ©sidĂ©e par le maire, Romuald Vuillermoz, envoya un message de soutien au nouveau gouvernement de Paris. Une Commune d’Alger vit le jour. Mais elle n’avait aucune similitude avec celle de Paris, qui lui succĂ©da elle Ă©tait certes un mouvement rĂ©publicain, mais menĂ© exclusivement par des EuropĂ©ens, colons bien sĂ»r, mais aussi petits commerçants et artisans. DĂšs le 5 septembre, Gambetta, tout nouveau ministre de l’IntĂ©rieur, nomma Auguste Warnier prĂ©fet du dĂ©partement d’Alger11, promotion significative. 12 Certaines biographies le prĂ©sentent comme le comte de Calvinhac. 8Six mois plus tard, la proclamation de la Commune de Paris divisa les rangs des rĂ©publicains algĂ©rois. Une minoritĂ© socialisante envoya Ă  Paris trois dĂ©lĂ©guĂ©s, Alexandre Lambert, Lucien Rabuel et Louis Calvinhac12. Ils firent une proclamation le 28 mars 1871 13 Dans Journal des journaux de la Commune. Tableau rĂ©sumĂ© de la presse quotidienne, du 19 mars au 24 ... Les dĂ©lĂ©guĂ©s de l’AlgĂ©rie dĂ©clarent, au nom de tous leurs commettants, adhĂ©rer de la façon la plus absolue Ă  la Commune de Paris. L’AlgĂ©rie tout entiĂšre revendique les libertĂ©s communales. OpprimĂ©e pendant quarante annĂ©es par la double centralisation de l’armĂ©e et de l’administration, la colonie a compris depuis longtemps que l’affranchissement complet de la commune est le seul moyen pour elle d’arriver Ă  la libertĂ© et Ă  la prospĂ©ritĂ©. »13 14 Journal des dĂ©bats, 1er avril 1871. 9À l’opposĂ©, le Journal officiel de Versailles fit paraĂźtre une vĂ©hĂ©mente protestation contre cet appel, signĂ©e du reprĂ©sentant de Constantine, Marcel Lucet14. 15 Jean-Luc LabbĂ©, notice Lambert Alexandre », Dictionnaire biographique Maitron, Mouvement ouvrier, ... 16 Nous n’avons pas retrouvĂ© trace de son passĂ© algĂ©rien avant 1871. 17 Alphonse Bertrand, La Chambre de 1893. Biographies des 681 dĂ©putĂ©s, avec avertissement et documents ... 10Lambert, ancien proscrit de 1852, exilĂ© en AlgĂ©rie oĂč il Ă©tait devenu journaliste, devint durant la Commune dĂ©lĂ©guĂ© de l’AlgĂ©rie au sein d’un ComitĂ© de sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale et de l’intĂ©rieur, chef de bureau au ministĂšre de l’IntĂ©rieur presse15. Il combattit ensuite sur les barricades lors de la Semaine sanglante et y fut tuĂ©. Rabuel16 fut ensuite dĂ©portĂ© en Nouvelle-CalĂ©donie. Calvinhac fut arrĂȘtĂ© le 8 juin 1871, internĂ©, puis condamnĂ© Ă  un an de prison et 500 francs d’amende. Il ne retourna pas en AlgĂ©rie et fit une carriĂšre politique sous la IIIe RĂ©publique, toujours Ă  l’extrĂȘme gauche17. Face Ă  la rĂ©volte kabyle 11La rĂ©volte de Mohand Amokrane, dit El-Mokrani, qui Ă©clata en Kabylie en mars-avril 1871, le plus vaste mouvement insurrectionnel de l’histoire de l’AlgĂ©rie entre la reddition d’Abd-el-Kader et le dĂ©but de la guerre d’indĂ©pendance, allait-elle donner aux Communards l’occasion de rĂ©flĂ©chir au sort des colonisĂ©s ? Il n’en fut rien. 18 Affaire de l’Oued-Okris subdivision d’Aumale », dans RĂ©impression du Journal officiel de la RĂ©p ... 19 AlgĂ©rie », Journal officiel de la Commune, op. cit., 8 mai 1871 Gallica. 12Dans le Paris communard, l’accaparement par la gestion au quotidien et par la nĂ©cessaire prĂ©paration de la rĂ©sistance Ă  Versailles, ainsi que la sous-information sur la rĂ©volte kabyle, expliquent la quasi-absence de rĂ©actions. Et les rares traces que l’on trouve dans les Ă©crits communards sont bien dans le ton de l’époque dĂ©nonciation des insurgĂ©s, appelĂ©s l’ennemi » ou les rebelles »18, exaltation de nos soldats, qui font vaillamment le coup de feu19 »  20 Un rectificatif ultĂ©rieur prĂ©cisera qu’il s’agissait du journal La Paix et non La Patrie, Journal ... 13A fortiori pour les Communards algĂ©rois. Le dĂ©lĂ©guĂ© dĂ©jĂ  citĂ©, Alexandre Lambert, Ă©prouva mĂȘme le besoin de dĂ©mentir tout lien entre les deux mouvements – et mĂȘme Ă  se porter garant d’une meilleure efficacitĂ© dans la lutte contre les indigĂšnes » – dans une lettre au rĂ©dacteur en chef de la feuille versaillaise La Patrie20 FidĂšle Ă  votre rĂŽle d’alarmiste et d’ennemi dĂ©clarĂ© de la Commune, vous parlez de troubles survenus en AlgĂ©rie et vous en exagĂ©rez la gravitĂ© pour en effrayer l’opinion publique. Vous commettez une action plus mauvaise encore en insinuant que cette insurrection est l’Ɠuvre des nombreux amis que la Commune possĂšde en AlgĂ©rie. DĂ©lĂ©guĂ© Ă©lu par la ville d’Alger, je vous affirme Que tous les colons algĂ©riens veulent pour eux et pour la France la Commune, Que tous les colons algĂ©riens sont intĂ©ressĂ©s Ă  maintenir le calme et l’ordre chez les indigĂšnes, et qu’ils en viendraient facilement Ă  bout s’ils avaient la Commune et toutes les libertĂ©s qu’elle comporte, 21 Les bureaux arabes, fondĂ©s sous le Second Empire, Ă©taient entre les mains des officiers. Il se pass ... 22 Journal officiel de la Commune, op. cit., 3 mai 1871. Que toutes les insurrections algĂ©riennes sont depuis longtemps l’Ɠuvre prĂ©mĂ©ditĂ©e des bureaux arabes21. Ce fait est si vrai, que le gouvernement a rendu un dĂ©cret ordonnant de poursuivre devant les conseils de guerre les officiers dans le commandement desquels une insurrection Ă©claterait ; mais ce dĂ©cret est demeurĂ© inappliquĂ©. » CommuniquĂ©, 1er mai 187122 La dĂ©portation en Kanaky23 23 Par respect pour les demandes du mouvement national de cette Ăźle, nous avons adoptĂ© les appellation ... 24 EugĂšne Morand, Le Figaro, 6 fĂ©vrier 1872. 25 Roger PĂ©rennĂšs, DĂ©portĂ©s et forçats de la Commune, de Belleville Ă  NoumĂ©a, Nantes, Ouest Éditions/U ... 26 Alban Bensa, Nouvelle-CalĂ©donie. Un paradis dans la tourmente, Paris, Gallimard, coll. DĂ©couverte ... 14Une fois la grande rĂ©pression de la Semaine sanglante passĂ©e, la bourgeoisie versaillaise voulut poursuivre et achever l’ assainissement » de la sociĂ©tĂ© française. La dĂ©portation en Kanaky fut l’une des solutions trouvĂ©es. Les Communards condamnĂ©s, d’abord retenus au bagne de Toulon, commencĂšrent Ă  ĂȘtre dirigĂ©s vers la Grande Île ». Le premier bateau partit le 1er fĂ©vrier 187224 par une curieuse conception du droit, la loi fixant la Kanaky comme lieu de dĂ©portation ne fut adoptĂ©e que le 23 mars25. En tout, 4 250 femmes et hommes furent dĂ©portĂ©s, 400 y laissĂšrent la vie par maladie, fatigue, certains par dĂ©sespoir26. 15Comment ces dĂ©portĂ©s comprirent-ils ou ne comprirent-ils pas la situation coloniale ? Quelle fut leur attitude lors de la grande rĂ©volte kanak de 1878 ? Comment, par ailleurs, observĂšrent-ils d’autres proscrits, les Kabyles rĂ©voltĂ©s en 1871 ? 27 Jean Baronnet et Jean Chalou, Communards en Nouvelle-CalĂ©donie. Histoire de la dĂ©portation, Paris, ... 28 Alice Bullard, Exile to Paradise Savagery and Civilization in Paris and the South Pacific, 1790-1 ... 16Les tĂ©moignages que nous possĂ©dons sur leur vie quotidienne montrent que, dans leur majoritĂ©, ces damnĂ©s blancs de la terre » ne manifestĂšrent guĂšre Ă  leurs compagnons de misĂšre kanak qu’un intĂ©rĂȘt de lointaine curiositĂ©27 » dans la plupart des cas, parfois mĂȘme du dĂ©dain et du mĂ©pris28. 17En 1878, ils furent confrontĂ©s Ă  la grande insurrection des indigĂšnes ». Contrairement Ă  ce qu’on aurait pu attendre de la part de ces anciens insurgĂ©s, rares furent ceux qui comprirent ce mouvement. Évidemment, chacun a en tĂȘte l’exception prestigieuse de Louise Michel, mĂȘme si elle n’eut pas immĂ©diatement la claire comprĂ©hension de la rĂ©volte qu’elle s’attribua des annĂ©es plus tard. La rĂ©volte de 1878 l’empathie de Louise Michel et de quelques rares autres
 29 Louise Michel, MĂ©moires Ă©crits par elle-mĂȘme, Paris, F. Roy, 1886 ; Je vous Ă©cris de ma nuit. Corre ... 30 Lettre au citoyen Paysan et Ă  nos amis, non datĂ©e JoĂ«l DauphinĂ©, op. cit.. 31 LĂ©gendes et chants de gestes canaques, Paris, KĂ©va & Cie, 1885 Gallica. 18Comment ne pas commencer une Ă©tude sur ce sujet sans citer en tout premier lieu Louise Michel29 ? Son esprit ouvert, avide en permanence de connaissances nouvelles, la servit dans l’épreuve de l’exil. Encore en mer sur le navire La Virginie, elle Ă©crivit, avant mĂȘme le premier contact avec la colonie Avec les sauvages, il y aura le but doublement humanitaire d’empĂȘcher qu’on ne les refoule par le canon en les civilisant et de faire des Ă©tudes historiques vraies dans les ruines » lettre, 187330. Elle commença d’ailleurs Ă  appliquer ce principe en recueillant les lĂ©gendes, qu’elle publia dans un journal, Les Petites affiches. Revenue en France, elle rĂ©unit ces textes en volume31 mĂȘme si les spĂ©cialistes sont dubitatifs sur le caractĂšre authentique de toutes les lĂ©gendes. Louise, cependant, partagea parfois le paternalisme – et dans son cas le maternalisme – ambiant de son temps 32 Dans Je vous Ă©cris de ma nuit, op. cit. J’espĂšre, dans mes excursions pour la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie, apprendre aux Kanaks Ă  nous Ă©galer, ce qui ne sera pas si difficile qu’on le croit. Cette race qui s’éteint, au lieu d’ĂȘtre broyĂ©e Ă  coups de canon et dĂ©possĂ©dĂ©e, pourrait contracter des alliances avec la nĂŽtre, ce qui produirait une nation intelligente et forte, du moins un peu plus que les nĂŽtres qui sont lĂąches et bien bĂȘtes. » lettre, 28 aoĂ»t 187532 19Prit-elle fait et cause pour eux lors de la grande rĂ©volte de 1878, comme elle l’a racontĂ© ? Deux ans aprĂšs son retour novembre 1880, elle fut attaquĂ©e assez bassement, lors d’un meeting, par un participant, un certain Bernadotte, qui l’accusa d’avoir fomentĂ© la rĂ©volte kanak pour Ă©craser les Communards ». Elle rĂ©pondit 33 Elle n’adoptera le drapeau noir qu’à son retour en France dĂ©claration lors d’un meeting, 18 mars 1 ... 34 Louise Michel mouchard » titre Ă©tonnant, car l’article lave la militante de ce soupçon, Le Gaul ... Lors de l’insurrection des Canaques, deux chefs que je connaissais vinrent me voir et m’apprirent leur rĂ©solution de se joindre aux rĂ©voltĂ©s. Je partageai entre eux le dernier morceau de mon Ă©charpe rouge33 au moment oĂč ils se mirent Ă  la nage pour s’éloigner des avant-postes français. »34 20Des annĂ©es plus tard, elle reprit ce rĂ©cit dans ses MĂ©moires Parmi les dĂ©portĂ©s, les uns prenaient parti pour les Canaques, les autres contre. Pour ma part, j’étais absolument pour eux. 
 Pendant l’insurrection canaque, par une nuit de tempĂȘte, j’entendis frapper Ă  la porte de mon compartiment de la case. - Qui est lĂ  ? demandai-je. - TaĂŻau amis, rĂ©pondit-on. Je reconnus la voix de nos Canaques apporteurs des vivres. C’étaient eux, en effet ; ils venaient me dire adieu avant de s’en aller Ă  la nage par la tempĂȘte rejoindre les leurs, pour battre mĂ©chants Blancs, disaient-ils. 35 La Commune. Histoire et souvenirs, Paris, Stock, 1898. Alors, cette Ă©charpe rouge de la Commune que j’avais conservĂ©e Ă  travers mille difficultĂ©s, je la partageai en deux et la leur donnai en souvenir. »35 36 Op. cit. 21La scĂšne est belle. Malheureusement, la correspondance de Louise, contemporaine de la rĂ©volte, ne la signale quasiment pas. L’historien JoĂ«l DauphinĂ© est dubitatif sur la vĂ©racitĂ© de cette scĂšne. La thĂšse qu’il soutient est la suivante sur place, Louise Michel a sans doute eu plutĂŽt de la sympathie pour la rĂ©volte. Puis, n’ayant comme informations que celles que lui donnaient les EuropĂ©ens – massacres Ă©pouvantables, mutilations, scĂšnes d’anthropophagie –, elle fut sans doute quelque peu effrayĂ©e, d’oĂč peut-ĂȘtre son silence gĂȘnĂ©. Ce n’est que plus tard, de retour en France, qu’elle a Ă©tĂ© mise dans la possibilitĂ© de comprendre la rĂ©volte. D’oĂč son rĂ©cit, oĂč elle s’attribue un rĂŽle qu’elle n’a peut-ĂȘtre pas complĂštement tenu36. 22L’annĂ©e qui suivit la rĂ©volte, le gouverneur accepta qu’elle vienne Ă  NoumĂ©a reprendre son mĂ©tier d’institutrice. Elle fut un temps en charge d’écoles d’enfants de bagnards, puis des jeunes filles de la ville. Fut-elle Ă©galement institutrice des Kanak ? Les rĂ©ponses divergent. 23Ils ne furent pas nombreux, les Communards qui, Ă  l’image de la grande Louise, firent l’effort de comprendre les Kanak. 24Un autre militant libertaire, Charles Malato, Ă©crivit lui aussi – mais il est vrai quinze annĂ©es plus tard – un ouvrage de MĂ©moires dans lequel il prit leur dĂ©fense 37 Ses parents, Ă©galement communards, avaient Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s avec lui. 38 De la Commune Ă  l’Anarchie, Paris, Stock, 1894, citĂ© sur le site de RenĂ© Merle. L’ennemi ! Faut-il donc l’appeler ainsi, ce peuple noir qui combat pour son indĂ©pendance ? Proscrits pour la cause de la libertĂ©, allons-nous passer du cĂŽtĂ© des oppresseurs ? Telles sont les questions que mes parents37 et moi nous nous posons avec amertume. HĂ©las ! la rĂ©ponse n’est que trop claire. Oui, ces hommes, en se soulevant contre l’autoritĂ©, ont pour eux le droit naturel. Ils veulent vivre Ă  leur guise, sur le sol oĂč ils sont nĂ©s rien de plus juste. »38 La rĂ©volte de 1878 des Communards chasseurs de Kanak 25Maigre bilan. Les Communards, qui chantaient sans doute Quand tous les pauvres s’y mettront
 » Jean-Baptiste ClĂ©ment, La Semaine sanglante, 1871, dans leur majoritĂ© ne comprirent pas la protestation de plus pauvres encore qu’eux. 26La premiĂšre cause de cette incomprĂ©hension rĂ©side dans le fait qu’à l’époque, rares, trĂšs rares avaient Ă©tĂ© les militants ouvriers qui s’étaient interrogĂ©s sur la question coloniale, peu importante avant 1871. Plus grave encore fut le regard portĂ© sur ces sauvages », ces cannibales ». Un dĂ©portĂ©, Cavarey, partit d’une constatation qui, Ă  ses yeux, Ă©tait d’évidence Tout le monde est d’avis que, pour rendre la sĂ©curitĂ© Ă  la colonisation, il est nĂ©cessaire que la plus grande partie de ce peuple disparaisse ». L’ex-Communard avançait donc sa solution », qui avait l’avantage de ne pas faire dĂ©penser une trop grande quantitĂ© de balles » 39 Cavarey, Album de l’Île des Pins, 27 juillet 1878, citĂ© par Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. Ne pourrait-on pas expĂ©dier deux ou trois mille d’entre eux dans celles de nos colonies qui manquent de travailleurs ? La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et surtout la RĂ©union les recevraient volontiers et, au milieu d’une population composĂ©e d’élĂ©ments divers, ces quelques centaines de Canaques seraient Ă©videmment bien peu dangereux. »39 40 Lettre, 1er janvier 1879, citĂ© par Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 27MĂȘme un futur responsable de premier plan du socialisme Ă©mergent, Jean Allemane, s’il ne participa pas personnellement Ă  la rĂ©pression, jugea sĂ©vĂšrement ces cannibales40 ». 28Pour un autre tĂ©moin, Victor Cosse, la simple comparaison entre Communards et Kanak rĂ©voltĂ©s Ă©tait insultante 41 Album de l’Île des Pins, vers 1880, citĂ© par Émilie Cappella, Louise Michel, exil en Nouvelle-CalĂ©d ... Colons trĂšs involontaires, nous faisons en somme partie d’une sociĂ©tĂ© europĂ©enne Ă©garĂ©e Ă  six mille cinq cents lieues de notre France et livrĂ©e Ă  toutes les brutalitĂ©s de peuples un peu trop primitifs. Depuis bientĂŽt six ans que nous sommes ici, il s’est Ă©tabli entre la population civile et nous des relations qui nous commandent la sympathie pour les colons qui essayent, si loin de chez nous, un agrandissement de la France et une richesse nouvelle pour le pays
 Vous connaissez tous le mot qui est restĂ© cĂ©lĂšbre “L’insurrection est le plus sain des devoirs”. Pardieu ! Nous l’avons mis en pratique et, un peu beaucoup, Ă  nos risques et pĂ©rils. Mais encore faut-il que cette insurrection reste loyale et courageuse. Qu’est-ce que ces assassins se glissant dans l’ombre pour Ă©gorger des familles inoffensives, pour incendier des rĂ©coltes et des habitations, pour anĂ©antir en quelques minutes l’Ɠuvre de plusieurs annĂ©es d’un labeur assidu ! Qu’est-ce que ces bandits se glissant dans un fond de brousse, Ă  l’abri de tout danger, pour assassiner au passage un officier qui vient accomplir son devoir ? »41 29Et la mĂ©fiance Ă©tait rĂ©ciproque. D’abord, comment les Kanak auraient-ils pu faire la distinction entre les Blancs, tous assimilĂ©s Ă  ceux qui causaient leur malheur ? Malato, dĂ©jĂ  citĂ©, avait bien compris que les deux catĂ©gories de parias ne pouvaient se comprendre 42 Op. cit. 30 Mais ils ne distinguent pas, – le pourraient-ils d’ailleurs ? – entre le fonctionnaire qui les opprime, le colon qui lentement les dĂ©possĂšde et le paria bouclĂ© de force dans leur Ăźle, de par la rancune politique ou la vindicte sociale. Forçats, dĂ©portĂ©s, femmes, enfants, vieillards, aussi bien que galonnĂ©s et messieurs ventrus, tout ce qui a visage blanc leur est odieux et mĂ©rite non seulement la mort, mais la torture la plus cruelle. Et, au milieu de leur Ɠuvre inexorable de destruction, jamais l’éclair de pitiĂ© ne jaillit. »42 43 Simon-Mayer, Souvenirs d’un dĂ©portĂ©, Étapes d’un forçat politique, Paris, E. Dentu,1880 Gallica. 31Les rares Kanak qui avaient Ă©tĂ© Ă©duquĂ©s, en gĂ©nĂ©ral par les missionnaires, Ă©taient emplis de mĂ©fiance envers ces nouveaux venus d’Europe, ces sans-dieu ». Les autoritĂ©s jouaient sur ces rivalitĂ©s les Kanak obtenaient mĂȘme une prime lorsqu’ils ramenaient un Communard en fuite43. 44 Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 45 Roger PĂ©rennĂšs, op. cit. 32Circonstance aggravante, lorsque l’insurrection commença, Ă  Bouloupari, trois Communards, Pierre Broussat, Victor Hoiret et Francis Pascal furent parmi les premiĂšres victimes, le 26 juin 187844. De ce fait, des Communards se portĂšrent immĂ©diatement volontaires pour combattre les armes Ă  la main, ce qui fut acceptĂ© par les autoritĂ©s. Un dirigeant de la Commune, par ailleurs membre de l’Association internationale des travailleurs ou IĂšre Internationale, Charles Amouroux, prit la tĂȘte d’un groupe d’une trentaine de Communards, qui participa Ă  la rĂ©pression et Ă  la capture d’insurgĂ©s45. RĂ©cit d’un autre tĂ©moin, Henri Berthier 46 Henri RiviĂšre, capitaine de frĂ©gate, chargĂ© de diriger la rĂ©pression aprĂšs la mort du colonel Gally ... 47 Femmes kanak. 48 RĂ©cit de la rĂ©volte kanak, vers 1890, citĂ© par Gaston Da Costa, La Commune vĂ©cue 18 mars-28 mai 1 ... La situation Ă©tait extraordinairement pĂ©rilleuse pour tous les postes du nord de la colonie, car RiviĂšre46 ne disposait que d’un trĂšs petit nombre de matelots. 
 Inquiet, le commandant RiviĂšre autorisa son lieutenant, M. Servan, Ă  nous armer. 
 Un soir, la nouvelle se rĂ©pandit que les tribus rĂ©voltĂ©es descendaient des hauteurs sur Canala. 
 Nous fĂźmes notre jonction avec la colonne du commandant RiviĂšre, qui nous fĂ©licita cordialement et promit de nous sortir du milieu de forçats dans lequel on avait eu le tort, disait-il, de nous plonger. Les tribus rĂ©voltĂ©es furent bientĂŽt cernĂ©es et faites prisonniĂšres. Les principaux chefs furent traduits devant un conseil de guerre, condamnĂ©s Ă  mort et fusillĂ©s. Ensuite, nous fumes de nouveau envoyĂ©s dans la brousse 
 pour cerner les canaques dĂ©bandĂ©s et les ramener Ă  Canala. GrĂące Ă  l’habile tactique de notre chef, l’opĂ©ration rĂ©ussit Ă  merveille aprĂšs trois journĂ©es de manƓuvres, nous ramenions Ă  Canala, sans avoir tuĂ© personne, une foule de canaques, de popinĂ©es47 et d’enfants. Peu aprĂšs le lieutenant Servan dut nous faire dĂ©sarmer ; mais il dĂ©cida qu’on ne nous obligerait plus Ă  aucun travail, et qu’on attendrait l’ordre rĂ©clamĂ© par lui et par le commandant RiviĂšre de nous envoyer Ă  la presqu’üle Ducos. »48 33Peu de temps aprĂšs avoir fait le coup de feu avec les Kanak, Amouroux fut amnistiĂ©, puis rentra en mĂ©tropole trĂšs rapidement. Il frĂ©quenta les milieux politiques 49 La Presse, 25 avril 1880. On remarquait hier dans les couloirs du Palais-Bourbon M. Amouroux, ancien membre de la Commune, causant avec plusieurs dĂ©putĂ©s. 
 On sait que l’ancien ouvrier chapelier a obtenu sa grĂące Ă  la suite de la rĂ©pression de l’insurrection canaque. Sous la direction de M. Servan, Amouroux avait organisĂ© et conduit une troupe de francs-tireurs composĂ©e de forçats communards, troupe qui rendit Ă  cette occasion des services sĂ©rieux. »49 34Le plus extraordinaire dans ce rĂ©cit est que le rapprochement, mĂȘme partiel, avec l’insurrection de 1871 n’est jamais fait, qu’il paraĂźt mĂȘme Ă©chapper Ă  la rĂ©flexion des Communards. MĂȘme l’emploi de formules identiques Ă  celles entendues au pied des barricades parisiennes Les principaux chefs furent traduits devant un conseil de guerre, condamnĂ©s Ă  mort et fusillĂ©s » ne les choque pas. 50 DĂ©cret du prĂ©sident de la RĂ©publique en date du 31 dĂ©cembre 1878. La liste des 24 premiers amnistiĂ© ... 51 Il s’était Ă©vadĂ© du bagne, puis s’était fixĂ© Ă  Londres en juin 1874. 35Ce patriotisme » valut Ă  certains une premiĂšre amnistie50. Puis une loi gĂ©nĂ©rale fut votĂ©e le 11 juillet 1880. Henri Rochefort rentra le premier juillet51, suivi de ceux qui Ă©taient restĂ©s dans la Grande Île ». Louise Michel fut de retour en mĂ©tropole le 9 novembre. 36L’un d’eux, Jules Renard – rien Ă  voir, est-il utile de le prĂ©ciser, avec l’auteur de Poil de carotte – souligna lui-mĂȘme le satisfecit » dont il fut l’objet de la part des autoritĂ©s militaires 52 1879. 53 Le Retour d’un AmnistiĂ©. Notes et impressions d’un passager du Calvados », Paris, Impr. C. Murat, ... On nous a embarquĂ©s le mardi 1er juillet52 dans la matinĂ©e. Le lendemain 2, les chefs de plat ont Ă©tĂ© invitĂ©s Ă  faire nommer Ă  l’élection des chefs de compartiment ou chefs de poste. Dans l’aprĂšs-midi, les chefs de poste furent reçus par le commandant. M. RiviĂšre leur dit qu’il avait eu plusieurs de nos camarades sous ses ordres pendant l’insurrection canaque et qu’il avait Ă©tĂ© satisfait de leur conduite. C’est donc volontiers qu’il nous rapatrie »53. 54 Histoire de l’AlgĂ©rie racontĂ©e aux petits enfants. Leçons, rĂ©sumĂ©s, exercices oraux ou Ă©crits, Alge ... 37Ce mĂȘme Jules Renard alla ensuite s’installer en AlgĂ©rie Oran, oĂč il devint enseignant et Ă©crivit des ouvrages solidement colonialistes destinĂ©s Ă  l’éducation des enfants des Ă©coles54
 55 Alban Bensa, op. cit. 56 Un proscrit de la Commune meurt en CalĂ©donie », l’HumanitĂ©, 27 dĂ©cembre 1923. 38Les derniers dĂ©portĂ©s communards en Kanaky quittĂšrent l’üle en 1880, seuls une vingtaine, devenus libres, ayant choisi de rester55. Le dernier d’entre eux, Jean Roch, dit Jean Chalier, mourut Ă  NoumĂ©a en dĂ©cembre 192356. Destins croisĂ©s Communards et Kabyles insurgĂ©s 57 Germaine MailhĂ©, DĂ©portations en Nouvelle-CalĂ©donie des Communards et des rĂ©voltĂ©s de la Grande Kab ... 39La coĂŻncidence des dates permet parfois de faire des rapprochements intĂ©ressants. L’insurrection de Kabylie commença le 16 mars 1871, celle de la Commune de Paris deux jours plus tard. Dans les deux cas, les vaincus furent jugĂ©s et impitoyablement condamnĂ©s par les vainqueurs. On sait que les uns et les autres furent condamnĂ©s Ă  la dĂ©portation en Kanaky57. On estime qu’il y eut de l’ordre d’une centaine de Kabyles. 58 Les proscrits de la Commune avaient obtenu l’autorisation de publier une presse, Ă©videmment contrĂŽl ... 40Ces proscrits furent donc amenĂ©s Ă  se croiser. Or, les quelques tĂ©moignages que l’on possĂšde ne font pas rĂ©fĂ©rence Ă  la solidaritĂ© des causes, Ă  la similitude des combats. Le 12 octobre 1878, un tĂ©moin, qui avait naguĂšre Ă©tĂ© soldat en AlgĂ©rie, Ă©crit58 59 La confusion entre Kabyles et Arabes Ă©tait alors gĂ©nĂ©rale. 60 Louis Barron, Nos voisins les Arabes », Le Parisien illustrĂ©, 12 octobre 1878, citĂ© sur le site d ... L’Arabe59, en Nouvelle-CalĂ©donie, se trouve dans son cadre naturel. Les arbres, les plantes de cette Ăźle intertropicale sont Ă  peu prĂšs les arbres et les plantes de son pays, tel point de vue, telle Ă©chappĂ©e de paysage, entre deux collines arides, semblent avoir Ă©tĂ© transportĂ©es jusqu’ici de certaines rĂ©gions pauvres de l’AlgĂ©rie. Peut-ĂȘtre nos compagnons, non mĂ©lancoliques mais contemplatifs, songent-ils le soir, quand le soleil couchant empourpre l’horizon de ses derniers feux, aux caprices Ă©tranges d’Allah, qui les a voulu placer dans cette image en raccourci de leur patrie. Peut-ĂȘtre, le front tournĂ© vers La Mecque, remercient-ils le ProphĂšte d’avoir ainsi allĂ©gĂ© leurs Ă©preuves. Au moins sont-ils assurĂ©s d’une compensation dans l’autre monde. S’ils passent sans ĂȘtre blessĂ©s sur le fil tranchant du glaive, El-ar, qui les sĂ©pare du paradis, ils jouissent pour l’éternitĂ© du bonheur de monter Ă  cheval, de boire du vin et de caresser les houris. Tandis que nous !... »60 41Outre des apprĂ©ciations Ă©tonnantes sur les vĂ©gĂ©tations d’AlgĂ©rie et de Kanaky, ce texte – parmi d’autres – surprend par l’absence de rĂ©fĂ©rence aux causes de la rĂ©volte des Kabyles. Il ne viendra Ă  personne l’idĂ©e de considĂ©rer que les Communards, en Kanaky, ont Ă©tĂ© traitĂ©s avec douceur. Pourtant, les Kabyles ont eu un sort infiniment pire. 61 Bertrand Jalla, Quelle amnistie dans les colonies ? L’exemple des condamnĂ©s algĂ©riens de 1871 », ... 42D’abord, la loi d’amnistie de juillet 1880, qui permit aux Communards de quitter l’üle, ne leur fut pas appliquĂ©e. Une circulaire ministĂ©rielle d’accompagnement 25 avril 1881 prĂ©cisa bien que seuls Ă©taient concernĂ©s les faits insurrectionnels survenus sur le territoire mĂ©tropolitain61 ». 62 La confĂ©rence de la salle Ragache », L’Intransigeant, 31 aoĂ»t 1880. 43À leur retour en France, pourtant, quelques-uns des anciens dĂ©portĂ©s communards firent connaĂźtre le sort de leurs compagnons d’infortune. DĂšs aoĂ»t, un mois aprĂšs leur retour, Henri Rochefort et son compagnon d’évasion Olivier Pain organisĂšrent, salle Ragache, rue Lecourbe Ă  Paris, un meeting exigeant que les insurgĂ©s algĂ©riens soient inclus dans la loi62. Toutefois, si la protestation partait d’un sentiment noble, l’argumentaire Ă©tait troublant Pain insista sur la responsabilitĂ© des militaires dans la genĂšse de l’insurrection les fameux Bureaux arabes, le dĂ©vouement des soldats algĂ©riens durant la guerre franco-prussienne, pour conclure par la dĂ©nonciation du dĂ©cret CrĂ©mieux naturalisation en bloc des juifs d’AlgĂ©rie, octobre 1870. On sait que l’antisĂ©mitisme gangrĂ©na durablement la gauche française Ă  l’époque. Rochefort, notamment, fut fĂ©rocement antidreyfusard. 63 L’amnistie et les Arabes », L’Intransigeant, 10 fĂ©vrier 1895. 64 Philippe Dubois, Les insurgĂ©s arabes de 1871 », L’Intransigeant, 12 mars 1895. 44En fĂ©vrier 1895, le dĂ©putĂ© de la Guadeloupe, Auguste Isaac, interpela de nouveau le gouvernement Ă  ce propos63. Quelques jours plus tard, L’Intransigeant publia un rĂ©capitulatif assez fidĂšle mais une fois de plus entachĂ© de considĂ©rations antisĂ©mites haineuses, rappelant la genĂšse de l’affaire, la duretĂ© de la rĂ©pression, et revint sur l’exigence de l’amnistie64. 65 Louise et Annie Gayat, Kabyles du Pacifique, communards et Nouvelle-CalĂ©donie », site des Amis de ... 45Un dĂ©portĂ© kabyle eut un destin exceptionnel Aziz El Haddad, fils d’un des cheikhs qui avaient dĂ©clenchĂ© la rĂ©volte de 1871, rĂ©ussit Ă  s’évader en 1881, passa par l’Australie, vint ensuite en France aprĂšs un long pĂ©riple pour rĂ©clamer la restitution de ses biens fĂ©vrier 1895. LĂ , il retrouva un Communard qui Ă©tait devenu son ami, Charles-EugĂšne Mourot. Il mourut au domicile de Mourot, au 45 du boulevard MĂ©nilmontant, face au PĂšre-Lachaise. Les anciens Communards se cotisĂšrent pour rapatrier son corps en Kabylie65. Haut de page Notes 1 Henri Alleg, Le torrent souterrain », dans Henri Alleg dir., La Guerre d’AlgĂ©rie, vol. I, Paris, Temps actuels, 1981. 2 Marcel Cerf, Maxime Lisbonne, le D’Artagnan de la Commune, Paris, Le Pavillon, 1967. Voir Ă©galement le roman de Didier Daeninckx, Le Banquet des affamĂ©s, Paris, Gallimard, 2012. 3 Jacques Vingtras. L’InsurgĂ©. 1871, Paris, G. Charpentier & Cie, 1886. 4 Maxime Vuillaume, La proclamation de la Commune » brochure non signĂ©e, dans Hommes et Choses du temps de la Commune, Paris 1871, vol. IV, Brochures, GenĂšve-Bruxelles-Londres, 1871 Gallica. 5 Auguste Raffet, Paris sous la Commune, 1885, Reprint Paris, Éditions Dittmar, 2002. 6 Le troisiĂšme bataillon est celui des Turcos, dont le commandant Wolff sera tuĂ© au combat, sans qu’on sache oĂč ni comment. Nous n’avons quasiment rien retrouvĂ© sur cette unitĂ© qui semble avoir donnĂ© des sueurs froides aux militaires
 » AndrĂ© Thomas, Les enfants perdus de la Commune », Cultures et Conflits, n° 18, 1995. 7 Le Soir, 13 fĂ©vrier 1872 ; repris dans Contes du lundi, Paris, Lemerre, 1873. 8 Jean-Pierre PĂ©cau, BenoĂźt Dellac et Thorn, L’Homme de l’annĂ©e, 1871. L’un des hĂ©ros de la Commune de Paris, album de bande dessinĂ©e, Paris, Delcourt, 2014. D’autres versions situent sa mort lors des combats de 1870 contre les Prussiens. Voir Le Petit Parisien, 26 mars 1897 Ă  l’occasion du dĂ©cĂšs de D’Abbadie. 9 Claude Martin, La Commune d’Alger 1870-1871, Paris, HeraklĂšs, 1936 ; Marcel Émerit, La question algĂ©rienne en 1871 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome XIX, avril-juin 1972. 10 CitĂ© par Charles-Robert Ageron, Les AlgĂ©riens musulmans et la France 1871-1919, vol. I, Paris, Publications de la facultĂ© des lettres et sciences humaines de Paris-Sorbonne/PUF, 1968. 11 Journal des dĂ©bats, 7 septembre 1870. 12 Certaines biographies le prĂ©sentent comme le comte de Calvinhac. 13 Dans Journal des journaux de la Commune. Tableau rĂ©sumĂ© de la presse quotidienne, du 19 mars au 24 mai 1871. Lois, dĂ©crets, proclamations, rapports & informations militaires, sĂ©ances de la Commune, etc., reproduits d’aprĂšs le Journal officiel de Paris. Extraits des autres journaux, organes ou dĂ©fenseurs de la Commune, le tout contrĂŽlĂ© par les dĂ©pĂȘches, circulaires et avis du Gouvernement et par des extraits du Journal officiel publiĂ© Ă  Versailles, vol. I, Paris, Garnier FrĂšres, Librairies-Éditeurs, 1872 Gallica. 14 Journal des dĂ©bats, 1er avril 1871. 15 Jean-Luc LabbĂ©, notice Lambert Alexandre », Dictionnaire biographique Maitron, Mouvement ouvrier, Mouvement social, . 16 Nous n’avons pas retrouvĂ© trace de son passĂ© algĂ©rien avant 1871. 17 Alphonse Bertrand, La Chambre de 1893. Biographies des 681 dĂ©putĂ©s, avec avertissement et documents divers, Paris, Ancienne Maison Quantin, Librairies-Imprimeries rĂ©unies, 1893 Gallica. 18 Affaire de l’Oued-Okris subdivision d’Aumale », dans RĂ©impression du Journal officiel de la RĂ©publique française sous la Commune, du 19 mars au 24 mai 1871, Paris, Victor Bunel Éd., 1871 Gallica. 19 AlgĂ©rie », Journal officiel de la Commune, op. cit., 8 mai 1871 Gallica. 20 Un rectificatif ultĂ©rieur prĂ©cisera qu’il s’agissait du journal La Paix et non La Patrie, Journal officiel de la Commune, op. cit., 12 mai 1871. 21 Les bureaux arabes, fondĂ©s sous le Second Empire, Ă©taient entre les mains des officiers. Il se passa Ă  cette Ă©poque un phĂ©nomĂšne Ă©tonnant les militaires se voulurent – et furent souvent – les protecteurs des indigĂšnes » face aux exactions des colons et des petits Blancs ». 22 Journal officiel de la Commune, op. cit., 3 mai 1871. 23 Par respect pour les demandes du mouvement national de cette Ăźle, nous avons adoptĂ© les appellations Kanaky pour Nouvelle-CalĂ©donie et Kanak Ă  la place de Canaque, ce dernier nom Ă©tant invariable. 24 EugĂšne Morand, Le Figaro, 6 fĂ©vrier 1872. 25 Roger PĂ©rennĂšs, DĂ©portĂ©s et forçats de la Commune, de Belleville Ă  NoumĂ©a, Nantes, Ouest Éditions/UniversitĂ© inter-Ăąges, 1991. 26 Alban Bensa, Nouvelle-CalĂ©donie. Un paradis dans la tourmente, Paris, Gallimard, coll. DĂ©couvertes », 1990. 27 Jean Baronnet et Jean Chalou, Communards en Nouvelle-CalĂ©donie. Histoire de la dĂ©portation, Paris, Mercure de France, 1987. 28 Alice Bullard, Exile to Paradise Savagery and Civilization in Paris and the South Pacific, 1790-1900, Stanford, California, Stanford University Press, 2000. 29 Louise Michel, MĂ©moires Ă©crits par elle-mĂȘme, Paris, F. Roy, 1886 ; Je vous Ă©cris de ma nuit. Correspondance gĂ©nĂ©rale, 1850-1904, Paris, Éd. de Paris/Max Chaleil, 1999 ; Émilie Cappella, Louise Michel, exil en Nouvelle-CalĂ©donie, Paris, Magellan & Cie, Coll. Textes et fragments », 2005 ; JoĂ«l DauphinĂ©, La DĂ©portation de Louise Michel. VĂ©ritĂ© et lĂ©gendes, Paris, Les Indes savantes, 2006. 30 Lettre au citoyen Paysan et Ă  nos amis, non datĂ©e JoĂ«l DauphinĂ©, op. cit.. 31 LĂ©gendes et chants de gestes canaques, Paris, KĂ©va & Cie, 1885 Gallica. 32 Dans Je vous Ă©cris de ma nuit, op. cit. 33 Elle n’adoptera le drapeau noir qu’à son retour en France dĂ©claration lors d’un meeting, 18 mars 1882 Plus de drapeau rouge, mouillĂ© du sang de nos soldats. J’arborerai le drapeau noir, portant le deuil de nos morts et de nos illusions » Site Internet Le Drapeau noir. 34 Louise Michel mouchard » titre Ă©tonnant, car l’article lave la militante de ce soupçon, Le Gaulois, 28 septembre 1882. 35 La Commune. Histoire et souvenirs, Paris, Stock, 1898. 36 Op. cit. 37 Ses parents, Ă©galement communards, avaient Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s avec lui. 38 De la Commune Ă  l’Anarchie, Paris, Stock, 1894, citĂ© sur le site de RenĂ© Merle. 39 Cavarey, Album de l’Île des Pins, 27 juillet 1878, citĂ© par Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 40 Lettre, 1er janvier 1879, citĂ© par Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 41 Album de l’Île des Pins, vers 1880, citĂ© par Émilie Cappella, Louise Michel, exil en Nouvelle-CalĂ©donie, Paris, Magellan & Cie, Coll. Textes et fragments », 2005. 42 Op. cit. 43 Simon-Mayer, Souvenirs d’un dĂ©portĂ©, Étapes d’un forçat politique, Paris, E. Dentu,1880 Gallica. 44 Jean Baronnet et Jean Chalou, op. cit. 45 Roger PĂ©rennĂšs, op. cit. 46 Henri RiviĂšre, capitaine de frĂ©gate, chargĂ© de diriger la rĂ©pression aprĂšs la mort du colonel Gally-Passebosc. C’est ce mĂȘme RiviĂšre qui devait mourir Ă  HanoĂŻ en 1883. 47 Femmes kanak. 48 RĂ©cit de la rĂ©volte kanak, vers 1890, citĂ© par Gaston Da Costa, La Commune vĂ©cue 18 mars-28 mai 1871, vol. III, Paris, Librairies-imprimeries rĂ©unies, 1905 Gallica. 49 La Presse, 25 avril 1880. 50 DĂ©cret du prĂ©sident de la RĂ©publique en date du 31 dĂ©cembre 1878. La liste des 24 premiers amnistiĂ©s parut au JO du 1er janvier 1879. 51 Il s’était Ă©vadĂ© du bagne, puis s’était fixĂ© Ă  Londres en juin 1874. 52 1879. 53 Le Retour d’un AmnistiĂ©. Notes et impressions d’un passager du Calvados », Paris, Impr. C. Murat, 1879 Gallica. 54 Histoire de l’AlgĂ©rie racontĂ©e aux petits enfants. Leçons, rĂ©sumĂ©s, exercices oraux ou Ă©crits, Alger, Libr. classique Adolphe Jourdan, 1884 Gallica ; Les Étapes d’un petit AlgĂ©rien dans la province d’Oran, ouvrage de lecture publiĂ© sous le patronage du Conseil gĂ©nĂ©ral et de la SociĂ©tĂ© de gĂ©ographie d’Oran, Paris, Libr. Hachette, 1888. 55 Alban Bensa, op. cit. 56 Un proscrit de la Commune meurt en CalĂ©donie », l’HumanitĂ©, 27 dĂ©cembre 1923. 57 Germaine MailhĂ©, DĂ©portations en Nouvelle-CalĂ©donie des Communards et des rĂ©voltĂ©s de la Grande Kabylie 1872 Ă  1876, Paris, L’Harmattan, 1994. 58 Les proscrits de la Commune avaient obtenu l’autorisation de publier une presse, Ă©videmment contrĂŽlĂ©e. Voir le site de Georges Coquilhat, Ma Nouvelle CalĂ©donie, . 59 La confusion entre Kabyles et Arabes Ă©tait alors gĂ©nĂ©rale. 60 Louis Barron, Nos voisins les Arabes », Le Parisien illustrĂ©, 12 octobre 1878, citĂ© sur le site de Georges Coquilhat. 61 Bertrand Jalla, Quelle amnistie dans les colonies ? L’exemple des condamnĂ©s algĂ©riens de 1871 », Ultramarines, AMAROM, Aix-en-Provence, n° 23, 2004. 62 La confĂ©rence de la salle Ragache », L’Intransigeant, 31 aoĂ»t 1880. 63 L’amnistie et les Arabes », L’Intransigeant, 10 fĂ©vrier 1895. 64 Philippe Dubois, Les insurgĂ©s arabes de 1871 », L’Intransigeant, 12 mars 1895. 65 Louise et Annie Gayat, Kabyles du Pacifique, communards et Nouvelle-CalĂ©donie », site des Amis de la Commune de Paris, 18 mai 2012,.Haut de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Alain Ruscio, Communes, communards, question coloniale », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 153 2022, 131-144. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Alain Ruscio, Communes, communards, question coloniale », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 153 2022, mis en ligne le 01 aoĂ»t 2022, consultĂ© le 28 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page UnNous, l'Europe. Le poĂšme s'incarne, devient visages et paroles. Il se fait entendre et nous emporte dans son flux. Le drame y cĂŽtoie l'espoir ; le chant se mĂȘle Ă  une scansion de dĂ©sirs et d'images, l'ensemble redessine la possibilitĂ© d'une histoire collective. Nous, l'Europe, Banquet des peuples, spectacle polyphonique, fait du public une assemblĂ©e de poĂštes L’Histoire L’Europe, l’ancienne, celle d’un vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l’Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont l’alpha et l’omĂ©ga de ce texte en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, d’affrontements, d’enthousiasmes, de dĂ©faites et d’espoirs. A l’heure oĂč certains doutent, oĂč d’autres n’y croient plus, ce rĂ©cit europĂ©en humaniste rappelle qu’une mĂ©moire commune, mĂȘme douloureuse, est un ferment d’avenir. C’est donc d’une plume ardente que Laurent GaudĂ© compose une Ă©popĂ©e invitant Ă  la rĂ©alisation d’une Europe des diffĂ©rences, de la solidaritĂ© et de la libertĂ©. Merci Ă  Yvan de m’avoir incitĂ© Ă  dĂ©couvrir ce livre Nous, l’Europe Banquet des peuples » de Laurent GaudĂ©. Lisez sa jolie chronique ici 1848, le Printemps des peuples » est la matrice originelle de l’idĂ©e europĂ©enne. C’est Ă  ce moment prĂ©cis que Laurent GaudĂ© dĂ©bute son rĂ©cit sur l’aventure europĂ©enne dans son bel essai Nous, l’Europe Banquet des peuples . En 100 pages, Laurent GaudĂ© fait avec maestria le portrait d’une Europe qui est morte plusieurs fois avant de renaĂźtre Ă  la vie. Victor Hugo prononce un discours lors du CongrĂšs des amis de la paix universelle »qui s’ouvre le 21 aoĂ»t 1849 Ă  Paris. L’écrivain y prophĂ©tise l’effacement des frontiĂšres sur la carte et des prĂ©jugĂ©s dans les cƓurs » et appelle de ses vƓux Ă  la crĂ©ation des États-Unis d’Europe », garants de la fraternitĂ© des hommes ». Cent soixante dix ans plus tard, toute proportion gardĂ©e, Laurent GaudĂ©, intellectuel et auteur brillant, tisse Ă  nouveau la trame d’une Europe de fraternitĂ©, d’ouverture et d’humanisme qu’il souhaite voir Ă©merger. Sa plume est pleine de verve de souffle lorsqu’il invoque la colonisation, le pĂȘchĂ© originel d’une Europe dont les États voulaient se partager le monde pour leur seul profit. Il Ă©voque aussi les deux conflits mondiaux de 1914-1918 et de 1939-1945 qui saigneront des gĂ©nĂ©rations entiĂšres de jeunes europĂ©ens mais pas seulement songeons aux tirailleurs sĂ©nĂ©galais.. et puis cette impardonnable compromission avec le mal incarnĂ© par les rĂ©gimes fascistes, le national-socialisme.. Quid du communisme et de Staline dont les crimes sont ici passĂ©s sous silence, ce que je regrette profondĂ©ment. La Shoah bien sĂ»r, Ă©vĂ©nement traumatique face auquel nous restons tous sans mot tant l’horreur est ici indicible. La chape de plomb communiste Ă  l’Est, coupant l’Europe en deux jusqu’à la chute du mur en 1989. L’histoire ne s’arrĂȘte pas lĂ  puisque quelques annĂ©es plus tard la guerre sĂ©vit Ă  nouveau en Europe, en Ex Yougoslavie cette fois, oĂč les Serbes orthodoxes, les Croates catholiques et les Bosniaques musulmans s’entretuent. Laurent GaudĂ© a le don de rendre son texte clair et bien construit. C’est Ă  un sursaut qu’il nous incite pour faire vivre cette Europe trop technocratique Ă  son goĂ»t, pas assez traversĂ© par le souffle de la jeunesse des peuples d’Europe. Je trouve trĂšs intĂ©ressant que Laurent GaudĂ© puisse prendre la plume afin de nous dĂ©voiler son dĂ©sir d’Europe. Bien sĂ»r, il y a une part d’utopie trĂšs importante dans son texte. On peut trouver cela naĂŻf mais l’on sent toute la sincĂ©ritĂ© de l’auteur. J’ai des divergences de point de vue sur sa vision » de l’histoire europĂ©enne. La perception du monde de Laurent GaudĂ© est trĂšs trop bien pensante ». Je ne vais pas vous le cacher, sa perception candide de Mai 68 m’a heurtĂ©. Nous n’en sommes plus lĂ  fort heureusement. J’aurais souhaitĂ© voir Laurent GaudĂ© prendre davantage de risques quand Ă  ses prises de position. Un peu Ă  l’image de ce que peut faire Michel Onfray par exemple. J’ai trouvĂ© ainsi dommage que sur les questions d’immigrations, sujet polĂ©mique et pertinent s’il en est, avec ces clivages entre une Italie refusant les migrants, l’extrĂȘme droite Ă©tant au pouvoir et une position officielle française pour le moins ambiguĂ«.. j’aurais donc souhaitĂ© voir un humaniste tel que Laurent GaudĂ© prendre position de façon claire, le tout avec un propos ambitieux et salutaire. Hors l’auteur ne nous en dit pas plus sur ses solutions, doit-on accueillir tous ces ĂȘtres humains en souffrance ? le peut-on sans risquer la dĂ©stabilisation d’équilibres dĂ©jĂ  prĂ©caires ? enfin, j’aurais aimĂ© qu’il nous parle d’une Europe, qui n’est plus en paix, depuis que l’islamisme radical nous a dĂ©clarĂ© la guerre au nom d’une idĂ©ologie mortifĂšre. Quel place l’islam doit elle avoir en Europe ? Que faire face Ă  la montĂ©e des populismes d’extrĂȘme gauche ou d’extrĂȘme droite ? Ceux sont des sujets trĂšs complexes et je comprends parfaitement que rĂ©pondre Ă  ces interrogations auraient nĂ©cessitĂ© un travail diffĂ©rent. J’émets donc des rĂ©serves sur ce texte et surtout sur les derniers chapitres de Nous, l’Europe Banquet des peuples », je souligne la qualitĂ© littĂ©raire de ce rĂ©cit qui n’est pas sans rappeler, un autre auteur fascinant, aimant parler d’histoire Eric Vuillard. Lire Laurent GaudĂ©, quoiqu’il en soit, est toujours d’une infinie richesse intellectuelle. Son livre est bouillonnant et je le redis empli d’un souffle qui manque trop souvent Ă  nos hommes et femmes politiques. A lire en ces temps troublĂ©s. Ma note 3,5 /5. BrochĂ© 182 pages Éditeur Actes Sud 1 mai 2019 Collection Domaine français L’Histoire A la fin des annĂ©es 2060, la prĂ©sidente française de Transparence, une sociĂ©tĂ© du numĂ©rique implantĂ©e en terre sauvage d’Islande, est accusĂ©e par la police locale d’avoir orchestrĂ© son propre assassinat. Or au mĂȘme moment, son entreprise s’apprĂȘte Ă  commercialiser le programme Endless, un projet rĂ©volutionnaire sur l’immortalitĂ©, qui consiste Ă  transplanter l’ñme humaine dans une enveloppe corporelle artificielle. Alors que la planĂšte est gravement menacĂ©e par le rĂ©chauffement climatique, cette petite start-up qui est sur le point de prendre le contrĂŽle du secteur numĂ©rique pourra-t-elle sauver l’humanitĂ© ? Avec son dernier livre Transparence , Marc Dugain signe un roman d’anticipation qui est aussi une satire de notre monde ou tout du moins de ce qu’il sera en 2060. Avec fĂ©rocitĂ©, il s’attache Ă  nous offrir un condensĂ© de ce pourquoi l’humanitĂ© est en pĂ©ril. La cupiditĂ© des GAFA Google, Apple, Facebook, Amazon, l’argent vĂ©ritable veau d’or d’une sociĂ©tĂ© qui ne songe plus qu’à dilapider les ressources de la planĂšte pour conserver son mode de vie occidental et son idĂ©al consumĂ©riste, la duplicitĂ© du monde politique et des diffĂ©rentes religions monothĂ©istes Ă  ce titre le portrait fait de l’Église catholique et du Pape est d’une violence digne des brĂ»lots anti-clĂ©ricaux du dĂ©but du XXĂšme siĂšcle au moment de la loi 1905 de sĂ©paration de l’Église et de l’État. Transparence » est un pamphlet, c’est sa force mais aussi sa limite tant le trait semble manquer parfois de nuance. A trop vilipender les responsables de cette situation catastrophique pour l’avenir de la planĂšte, de l’humanitĂ© tout entiĂšre, Marc Dugain perd en luciditĂ©, en raisonnement, en complexitĂ© ce qu’il traduit par un trait de plume acerbe, colĂ©rique et provocateur. Le style d’écriture, point fort de ce grand auteur, est ici sans rĂ©el souffle. Ce qui au dĂ©part nous amuse, devient peu Ă  peu redondant et, disons le, assez vain. C’est dommage car l’histoire de cette petite sociĂ©tĂ© du numĂ©rique, transhumaniste, basĂ©e en Islande et dirigĂ©e par une Française qui grĂące au programme secret Endless » fait basculer le destin du monde, Ă©tait une belle idĂ©e. Trop court et caricatural pour ĂȘtre marquant, trop long pour susciter autre chose qu’un ennui poli, j’ai pour ma part trouvĂ© ce Transparence » trĂšs dĂ©cevant eu Ă©gard aux qualitĂ©s d’un Ă©crivain tel que Marc Dugain. Un rendez-vous manquĂ©. Ma note 3/5. BrochĂ© 224 pages Éditeur Gallimard 25 avril 2019
Nousaider; Nous contacter; Navigation des articles. ← Articles plus anciens. Articles plus rĂ©cents →. Johnny et les paradisfiscaux. PubliĂ© le 8 dĂ©cembre 2017 par Alain. 58. Bonjour , Si je me permets de vous faire un courriel c’est que je ne sais plus Ă  qui faire appel pour faire entendre des voix qui ne sont pas des pigeons . Car, si toutes les couleurs et les goĂ»ts sont dans
Nous, l'Europe - Banquet des peuples - Grand Format L'Europe, l'ancienne, celle d'un vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de... Lire la suite 18,80 € Neuf Ebook TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 6,99 € TĂ©lĂ©chargement immĂ©diat 6,99 € Grand format ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours 18,80 € ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă  6 jours LivrĂ© chez vous entre le 1 septembre et le 6 septembre L'Europe, l'ancienne, celle d'un vieux monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont l'alpha et l'omĂ©ga de ce texte en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, d'affrontements, d'enthousiasmes, de dĂ©faites et d'espoirs. A l'heure oĂč certains doutent, oĂč d'autres n'y croient plus, ce rĂ©cit europĂ©en humaniste rappelle qu'une mĂ©moire commune, mĂȘme douloureuse, est un ferment d'avenir. C'est donc d'une plume ardente que Laurent GaudĂ© compose une Ă©popĂ©e invitant Ă  la rĂ©alisation d'une Europe des diffĂ©rences, de la solidaritĂ© et de la libertĂ©. Date de parution 01/05/2019 Editeur Collection ISBN 978-2-330-12152-5 EAN 9782330121525 Format Grand Format PrĂ©sentation BrochĂ© Nb. de pages 182 pages Poids Kg Dimensions 11,5 cm × 21,5 cm × 1,1 cm L'Europe, l'ancienne, celle d'un Vieux Monde bouleversĂ© par la rĂ©volution industrielle, et l'Union europĂ©enne, belle utopie nĂ©e sur les cendres de deux grandes guerres, sont l'alpha et l'omĂ©ga de cette Ă©popĂ©e sociopolitique et humaniste en vers libres relatant un siĂšcle et demi de constructions, d'affrontements, d'espoirs, de dĂ©faites et d'enthousiasmes. Un long poĂšme en forme d'appel Ă  la rĂ©alisation d'une Europe des diffĂ©rences, de la solidaritĂ© et de la libertĂ©. Biographie de Laurent GaudĂ© Romancier, nouvelliste et dramaturge nĂ© en 1972, Laurent GaudĂ© a reçu en 2004 le prix Goncourt pour Le Soleil des Scorta. Il publie son oeuvre, traduite dans le monde entier, chez Actes Sud Nous l’Europe, Banquet des peuples, Laurent GaudĂ© (par Patrick Devaux) Ecrit par Patrick Devaux, le Vendredi, 07 Juin 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, PoĂ©sie, Actes Sud. Nous, l’Europe, Banquet des peuples, mai 2019, 192 pages, 17,80 € . Ecrivain(s): Laurent GaudĂ© Edition: Actes Sud. Faire un tour d’Europe comme pour appuyer son Critique / Nous, l’Europe, Banquet des peuples » de Roland Auzet et Laurent GaudĂ© Morgane P. 2019-07-16 0 DerniĂšre mise Ă  jour septembre 26th, 2020 at 0402 Avec Nous, l’Europe, Banquet des peuples, Laurent GaudĂ© et Roland Auzet signent un spectacle total fascinant au Festival d’Avignon en 2019. L’avis et la critique théùtre de Bulles de Culture sur ce spectacle coup de cƓur. Plus d'infos »
Etnous invite au grand banquet « oĂč l’Europe redeviendra l’affaire des peuples ». Nous devrions toutes et tous apprendre par cƓur les vingt-quatre derniers vers de ce poĂšme. Et les rĂ©citer les uns aux autres quand nous ne savons plus oĂč nous sommes, oĂč nous allons, quand le fatalisme s’installe, quand le pessimisme, vertu suicidaire, l’emporte.

Nous, L'europe, Banquet Des Peuples, un spectacle Ă  voir Ă  Saint-Denis Théùtre GĂ©rard Philipe de Saint-Denis, du 13 janvier 2022 au 15 janvier 2022. Toutes les informations pratiques tarifs, billetterie, plan de salle pour ce spectacle sont Ă  retrouver sur cette page. RĂ©servez dĂšs maintenant vos places pour assister Ă  ce spectacle Ă  Saint-Denis ! DE Laurent GaudĂ© CONCEPTION, MUSIQUE ET MISE EN SCÈNE Roland Auzet L’Europe, plus que jamais malmenĂ©e, soumise aux critiques, rongĂ©e par les nationalismes, semble ne plus faire rĂȘver. L’écrivain Laurent GaudĂ© Ă©met l’hypothĂšse que le dĂ©sir s’est Ă©teint parce que le rĂ©cit europĂ©en n’a pas Ă©tĂ© encore Ă©crit et que, sans histoire, point de communautĂ©. Il s’attelle, avec le compositeur et metteur en scĂšne Roland Auzet, Ă  la fabrication d’un long poĂšme, parlĂ© et chantĂ©, qui retrace cette histoire europĂ©enne, faite de blessures et d’espoirs. Le projet est ambitieux il rassemble un groupe d’acteurs, chanteurs ou danseurs de diffĂ©rentes origines, tous riches d’un parcours singulier dans leur pays, et une chorale, sorte de chƓur antique, constituĂ©e d’amateurs formĂ©s in situ au cours d’ateliers prĂ©cĂ©dant la sĂ©rie de reprĂ©sentations, associĂ©e Ă  un chƓur d’enfants le samedi et le dimanche. Articulant voix chantĂ©e, voix parlĂ©e, voix théùtrale et voix lyrique, l’épopĂ©e se dĂ©ploie, s’appuyant sur la force du chƓur et sur la personnalitĂ© des acteurs. En mettant en mots les marques de l’Histoire – l’industrialisation, les deux guerres mondiales, le communisme et la dĂ©chirure du rideau de fer, Mai 68 Ă  Paris et le printemps de Prague, la lutte contre le terrorisme –, Nous, l’Europe, banquet des peuples interroge le concept de fraternitĂ©, la responsabilitĂ© de l’individu au sein du groupe, l’utopie qu’est la construction collective d’une sociĂ©tĂ© plus Ă©quitable. Ce banquet, oĂč art et politique se mĂȘlent en une mosaĂŻque sonore et visuelle saisissante, est un chant donnĂ© en partage, une polyphonie de voix et une pluralitĂ© de regards, la chronique d’un continent qui s’écrit chaque soir sur scĂšne.

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